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Arirang

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maru 2
Bastian Meiresonne 4


classer par notes | date | rédacteur    longueurs: toutes longueurs moyen et long seulement long seulement

Real Fiction

Trois années…trois longues années, que l'on n'avait plus rien entendu du plus célèbre des "auteurs" de films coréens, le plus inclassable, certainement, celui qui a tourné quelques chefs-d'œuvre du renouveau du cinéma coréen, ou du moins – à l'intention de ses détracteurs – réussi à immortaliser quelques scènes clés, quelques plans absolument fabuleux, des instants cinématographiques de grâce incomparable.
 
Et puis plus rien.
 
Après une quinzaine de films en moins de dix ans, il disparaît aussi rapidement, qu'il était apparu, sans laisser de traces, ni donner des nouvelles…pour réapparaître par le biais de ce tout petit film, cette "chose", cette "confession cinématographique" entre génie visuel et complainte nombriliste…un film, qui va inexorablement diviser le public entre ceux, qui seront captivés par cette psychanalyse et ceux, qui détesteront un mec totalement bourré entonner pour la énième fois son "Arirang".
 
Je l'avais déjà développé dans mes critiques de ses derniers films, pour moi tous ratés depuis "L'Arc" (malgré quantité d'idées incroyables par-ci, par-là), mais tout concourait finalement qu'au suicide de l'auteur, qui les imaginait et re-imaginait par le biais de ses histories et de ses personnages, le plus flagrant étant évidemment celui dans son dernier, "Dreams".
Je n'étais pas au courant de l'accident survenu au cours de son dernier, justement, lorsque la femme se pend: apparemment, le dispositif avait mal fonctionné et l'actrice a failli y passer pour de vrai, ne devant sa vie que par l'intervention à la dernière minute de Kim Ki-duk, qui avait réussi à la décrocher. Elle avait perdu connaissance, si bien, que le cinéaste avait craint, qu'elle n'était morte pour de bon, ce qui l'a tellement ébranlé, qu'il a décidé d'arrêter de tourner pour interroger, lui et son propre cinéma.
 
Du coup, il avait commencé à produire le travail des autres, notamment le médiocre "Beauty", colportant justement toutes les tares du plus mauvais du cinéma de Kim Ki-duk et "Rough Cut", qui alliait, au contraire, brillamment cinéma commercial et introspection d'auteur…
 
Ces poulains, tous deux d'anciens assistants du réalisateur, suite au succès (surtout "Rough Cut") se sont envolés du nid de papa, signant directement avec des grosses majors – au désespoir (de la jalousie) de Kim Ki-duk, toujours inconnu dans son propre pays. Une trahison aux yeux de Kim Ki-duk, qui a accusé le coup en s'enfonçant plus loin encore dans son propre état dépressif.
 
Et voilà qu'on le retrouve au fin fond de la Corée, grossi de plusieurs dizaines de kilos, bouffi par l'alcool (et les médocs ?!!), tête hirsute, à vivre au fond d'une toile de tente dans une cabane inachevée, à se cailler les miches l'hiver, à couler des bonzes au fond de son jardin, à se cuire patates douces et racines sur un réchaud de camping et à entonner donc le fameux "Arirang" complètement bourré, face camera, pendant près de 90 minutes. Entre deux, il fait son autoanalyse, revient sur son œuvre, ses pensées, sans mentionner maintes fois combien il est quand même génial, mais qu'il regrette ne jamais avoir décroché les "plus gros prix prestigieux des festivals", faisant sans aucun doute à l'Oscar ou à la Palme d'Or (ce qui est assez cocasse, quand on voit le film dans une salle du Palais cannois durant le Festival).
 
Le film n'arrête pas d'osciller entre profond, profond, nombrilisme, psychanalyse à deux balles, complainte d'un mec bourré et pur génie dans la description d'un vedettariat déchu: porté aux nues un jour, qu'est-ce qui reste de cette "image de star" le lendemain, à son retour à une réalité beaucoup plus terre-à-terre ? Entre réal de retour d'une tournée promo et qui se retrouve devant une feuille blanche à devoir préparer "la suite" de sa carrière ou carrément les "Loanna" de la téléréalité, surexposé un jour et oublié le lendemain.
 
C'est en cela, que "Arirang" est absolument génial: montrer l'envers du décor, ramener l'Art à sa plus simple expression, celui des doutes, attentes, bref du travail créatif à la base de l'Artiste.
 
Le génie également de Kim Ki-duk, c'est quand même de se jouer du procédé, notamment en s'auto-interviewant de manière totalement schizophrénique (ce qui n'aurait pas renié un "Golem" de Peter Jackson), voire même en faisant intervenir une troisième personne, "Dieu Tout-Créateur", Kim Ki-duk en train de visionner les rushes de l'interview de lui en train d'interroger lui-même…Il regarde et se fout ouvertement de la scène, la commentant avec la même ironie et dérision, que lorsqu'il plonge ses personnages dans les pires des situations et qu'il les regarde patauger, sourire machiavélique au coin des lèvres.
 
Oui, la frontière entre fiction et réalité est extrêmement mince et Kim Ki-duk le dit lui-même au début du film: il maîtrise absolument tout dans cette création et qui sait où se trouve justement la limite entre le vrai et le faux.
 
Le plus évident est évidemment la fin, pas si surprenante que cela, du règlement de compte de ses anciens mauvais souvenirs, débarras nécessaire pour pouvoir rebondir et enfin aller de l'avant, jusqu'au symbolique suicide, tant de fois "rêvé" dans ses précédents films et cette fois-ci clairement mis en scène. Terrible et terrifiant.
 
En revanche, l'auteur se joue beaucoup plus encore de ses spectateurs et pour l'avoir appris, il ne vit pas vraiment dans cette cabane…pour commencer…Il y a encore beaucoup d'autres choses purement inventées au cours de ce film, mais qui rendent cette œuvre que plus géniale et qui ne sont finalement qu'extrapolation du ressentiment le plus profond du réalisateur, de son état émotionnel, de ce qu'il veut transmettre à l'écran.
 
Alors, OUI, le film dérangera très certainement les gens, qui ne connaissent rien à l'œuvre du réalisateur ou très peu, de ceux qui le prendront vraiment au 1er degré et ceux qui sont absolument insensibles à toute introspection d'un être humain.
 
Quant aux autres, ils ne resteront certainement pas indifférent à ce nouveau cri de cœur absolument nécessaire d'un vrai artiste tourmenté, qui lâche tout pour trouver le souffle nécessaire pour rebondir et aller de l'avant. Ce qui est déjà fait, puisque Kim Ki-duk a d'ores et déjà enchaîné avec son nouveau film, tourné en cachette et en un temps record, renouant avec son rythme (et sa passion) d'avant.
 
De beaux moments en perspective, donc.


03 juin 2011
par Bastian Meiresonne


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